Je viens d'apprendre ce matin même par un ami conteur, la disparition de Catherine Gendrin.
Depuis ce matin, je ne cesse de penser à elle.
Je la connaissais peu, je l'avais rencontré à plusieurs reprises lors de la création de l'APAC...
Nous avions échangés quelques mots, des rires....
Je me souviens de son rire et de la franchise de ses paroles.
Je devais aller la voir conter pour la 1ère fois à l'Astrolabe de Melun en octobre et je me souviens d'apprendre qu'elle ne pourrait pas venir car elle était malade.
Je ne savais pas....
Je veux par ces mots lui rendre hommage, envoyer des pensées à sa famille, et donner la possibilité à ceux qui la connaissaient de pouvoir dire quelque chose.
Je joins le mot de Dominique Motte et je vous laisse la parole...
A catherine.
"Va savoir comment les choses commencent parfois.
Un jour, je vais écouter une conteuse dans une salle de quartier de la ville de Paris. Une contée difficile et pour cause : il y avait une séance de danse de salon dans la pièce juste à côté avec la sono à fond les ballons !
Dans le public il y avait une femme : Catherine Gendrin. On discute. Entre professionnels on se repère très vite. Je luis dis qui je suis, ce que je fais et tout le toutim.
Quelques jours plus tard, son agent m'appelle dans le cadre d'une recherche de contrat. On discute. Je lui explique que le projet dont j'avais parlé était une scène ouverte sans contrepartie financière, qu'il y avait un malentendu, que j'étais désolé... Le lendemain, il me rappelle. Il me dit qu'elle trouvait le projet sympa et qu'elle était d'accord pour venir conter. Gratos.
Pour ceux qui ne connaissent pas, Catherine Gendrin, ce n'est pas n'importe qui ; dans le petit paysage des conteurs, elle compte (sans jeux de mots),et pas qu'un peu. Classée à la rubrique : contes du monde, de femmes et d'hommes en combat (surtout de femmes !), engagée, vindicative, ne lâchant rien. Une combattante quoi. Une âme forte et trempée comme une lame.
Elle est donc venue. A fait le spectacle devant une salle presque vide (je suis le spécialiste des salles presque vides, il faut le savoir...). On discute. Je la raccompagne à sa voiture dans le froid de l'hiver et chacun rentre chez soi.
Quelques temps plus tard (ou un peu avant, je ne sais plus), je rencontre la Dame. Elle me dit qu'elle est invitée pour les 50 ans de Catherine. Que celle-ci l'a programmée dans un festival. Qu'elle a envie de la remercier et de mieux la connaître, alors on y va. Et je dois dire, qu'elle ne m'a pas reconnu. C'est normal, on s'était si peu croisés et les artistes croisent tellement de monde. Mais va savoir : parfois et envers et contre tout, on se sent des connections fortes, belles, même si jamais elles ne sont dites.
Peu importe. Mais je continuais de me dire qu'un jour je lui rendrai la réciprocité de son don gratuit et désintéressé -juste soutenir un projet- en la programmant dans un contexte plus lucratif. On pense toujours qu'on a le temps.
Et puis j'ai appris qu'elle était gravement malade. Une tumeur, le coma artificiel.
A mon travail, il y avait vendredi dernier une scène ouverte au conte. Le projet pour lequel elle était venue. A la fin du spectacle (où il y eut de très belles histoires devant un public très restreint : je vous l'ai dit, je suis le prince des salles à moitié vides), je lui ai dédié la soirée, en en expliquant les tenants et aboutissants.
Et tu vois, lecteur, aux réactions sincèrement affectées, j'ai compris quelque chose que je sentais confusément sans mettre les mots qui conviennent en face : que parler de "communauté" à propos des conteurs n'était pas un vain mot. Bien sûr qu'il y a des dissensions, des tirages de bourre, bien sûr. Mais il y a une communauté, un sentiment d'appartenance. Et qu'un seul vienne à manquer et c'est tout le corps qui souffre... Je le reconnais, ça fait cucul, mais c'est comme ça...
Si je te raconte ça, lecteur, c'est parce que Catherine est morte hier. Oui, je sais, ce blog est en train de se transformer en avis de faire-part. C'est sans doute mon âge qui veut ça.
Je ne lui rendrai donc pas la réciprocité de son geste gracieux. Mais je penserai à elle lorsque je raconterai mes histoires, dont une, d'origine tzigane que je viens juste de terminer. Parce qu'elle aimait les exclus, les déracinés, les damnés de la terre.
Le conte est un microcosme. De cette disparition, on ne parlera dans aucun média. Mais ce soir, et les jours suivants, je penserai à elle. Catherine Gendrin. Moi et tous les conteurs consciencieux. Parce que les âmes restent tant qu'il reste quelqu'un pour encore penser à elles.
Elle s'appelait (maintenant enfin je peux utiliser l'imparfait) Catherine Gendrin. Elle était une grande conteuse et ses histoires continueront d'être racontées, longtemps, parce qu'elles les a portées.
A notre tour maintenant de reprendre le flambeau... En tout cas, dans le conte, lecteur, c'est comme ça que ça marche..."
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Dominique MOTTE
Direction de l'éducation et du temps libre
Responsable du service Culturel
Mairie de Lieusaint
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